Ce matin, avant le petit-déjeuner, je suis parti cueillir des concombres dans le jardin. Avec ces concombres, Anna prépare de la « Mizeria ». Cette préparation, que l’on retrouve dans toutes les cuisines polonaises, tient son nom du mot français « misère ». Il s’agit d’une salade d’accompagnement simple à base de concombres frais, de crème et de pousses d’aneth. Pour l’écrivain Melchior Wańkowicz, célébré pour ses œuvres sur l’histoire polonaise, la « Mizeria » est carrément un symbole du repas polonais. Si cette salade porte un nom qui évoque la pauvreté, c’est parce qu’elle a longtemps été un déjeuner d’avant-guerre. C’est pourquoi, malgré sa simplicité apparente, la « Mizeria » conserve son importance culturelle au fil du temps.

J’ai profité de ma cueillette pour faire un tour dans leurs plantations de tournesols. Le soleil n’est pas franc ce matin et les fleurs ont l’air de courber le dos, un peu comme moi après mes journées passées dans la tranchée de la muerta. Mais heureusement, aujourd’hui on rebouche et on ne touche plus jamais à ces pelles de notre vie. Près de la maison, il nous a fallu reboucher les trous avec du mortier. Adam nous a proposé de nous prendre en photo. Il pense que notre profil Workaway manque de photos de nous en train de travailler. Ça ne donne pas envie de nous prendre en volontariat, nous a-t-il dit. Sur notre photo de profil Workaway, c’est vrai que nous faisons un peu les beaux gosses. Manon est toute belle, maquillée, et moi, j’ai ma petite écharpe de critique littéraire. Cela dit, je doute que la photo d’Adam donne vraiment envie de faire appel à nous… Vous nous direz ce que vous en pensez.

Enfin, nous nous occupons d’autre chose que de creuser ! Il nous faut nourrir les abeilles pour les aider à passer l’hiver qui arrive. Nous leur préparons donc un mélange d’eau et de sucre auquel on ajoute quelques gouttes de probiotiques. Adam avait prévu d’y aller aujourd’hui, mais comme il pleut, il préfère reporter à demain. Il nous explique que par temps orageux, les abeilles sont plus agressives. Du coup, nous partons nous mettre à l’abri. Mais pas n’importe où ! Dans l’endroit le plus mystérieux de la maison : l’atelier d’Adam. Les étagères sont remplies de pots de peinture aux couleurs vives. Les pinceaux encore chargés de pigments reposent sur une table. Par terre, comme une constellation de gouttes séchées par les ans. Quelques dessins abandonnés dans un carnet de croquis. Des toiles qui s’entassent les unes derrière les autres. Une légère odeur d’acrylique qui emplit l’air. Au fond de la petite pièce, il y a un canapé, Adam s’y installe un crayon à la main et commence à dessiner. Nous avons la chance d’assister à la création d’une de ses œuvres. Du début à la fin.
Adam Kołakowski a consacré 10 ans à l’étude de la peinture à l’école des beaux-arts de Varsovie et à l’Académie des beaux-arts de Poznań. Doté de talents en peinture et sculpture, il crée des univers idylliques, empreints de rêve, de mélancolie et de réflexion. Ses créations ont été largement exposées en Pologne et à l’étranger.

Il a plu toute la journée et la température a drastiquement baissé, alors on a regardé un film le reste de l’après-midi. Lorsque nous avons rejoint Anna et Adam pour dîner, nous avons interrompu Franek, leur fils de 12 ans, qui préparait ses appâts de pêche à la mouche. Ce gamin a une passion obsessionnelle pour la pêche. En un an seulement, il a surpassé son grand-père qui lui avait pourtant enseigné les bases. Il passe ses journées à confectionner ses mouches à partir de plumes, de poils, de fils, de mousse…

Contrairement à la pêche traditionnelle où l’appât est généralement vivant ou constitué de matériaux naturels, la pêche à la mouche utilise des mouches artificielles, qui sont des imitations d’insectes ou d’autres proies potentielles des poissons. La pêche à la mouche est à la fois un art et une science, car elle implique la connaissance des insectes et des comportements des poissons, ainsi que la maîtrise des techniques de lancer à la mouche pour présenter la proie de manière naturelle et attrayante. Ses créations sont tellement minutieuses et réussies que Manon pensait qu’il créait des bijoux. Franek est un jeune garçon qui a beaucoup de compétences pour son âge. Nous profitons du dîner pour lui en demander un peu plus sur cette passion qui le dévore, puis nous partons nous coucher heureux de voir l’espoir porté par cette nouvelle génération.