Mes nuits sont un peu agitées en ce moment. On pourrait penser qu’après une journée de vélo, on tombe forcément comme une masse. Bien souvent, c’est le cas, mais parfois on peut être un peu perturbé de passer d’un matelas gonflable à un canapé, puis à un lit. D’une forêt, à un salon puis à une chambre d’adolescents laissée vacante.
Vers 5 heures du matin, mes yeux étaient grands ouverts. Mes oreilles aussi. J’écoutais le roulement irrégulier des premières voitures dans les rues d’Odense tout en fixant le mur au-dessus de ma tête. Sur ce mur était accrochée une guitare, ainsi qu’un tableau représentant de frêles embarcations sur une mer agitée. La mer et la musique. Deux rêves qui ne m’ont jamais quitté. Je repense au gouvernail tatoué sur mon coude, ainsi qu’à la guitare sur mon omoplate. La mer et la musique. Peut-être pas des rêves, plutôt des projets…

Alors que je divague à nous imaginer, Manon et moi traversant l’Atlantique en écorchant Santiano sur une vieille guitare rongée par le sel de mer. Je la vois dormir profondément sur ce canapé qu’elle a visiblement adopté avec plus de facilité que moi.

Vers 8 heures du matin, le petit appartement prend vie. À peine levé, Rune se dirige vers la cuisine pour préparer des œufs brouillés pour le petit déjeuner. Rune et Ilda ont le goût des bonnes choses. Hier, ils nous ont régalés avec des tacos. Des tacos ?! « Ça va ! Ils ne se sont pas foulés !! » me direz-vous. Mais ce n’étaient pas de simples tacos. Rune a fait mijoter du collier de porc pendant plus de trois heures pour garnir les tortillas. Sur les tacos nous avons ajouté une sauce pimentée faite maison à partir d’une recette de leur ami mexicain.
Rune est un vrai passionné de cuisine, il y consacre la majeure partie de son temps. Ils nous ont aussi fait goûter de l’ail noir. De l’ail confit au goût et à la texture bien différents de ce que l’on connaît. Il a lui-même voyagé dans les pays d’Europe que nous nous apprêtons à traverser, et nous étions ravis de l’entendre dire que la cuisine y était exceptionnelle. 🤤

Après un petit déjeuner très consistant : œuf, jambon, pain fait maison et même un peu de sauce piquante (elle est si bonne !), il est temps de leur dire merci et au revoir.

Nous disposons de peu de temps pour visiter la ville, car nous avons réservé un train ce soir entre les villes de Nyborg et Korsør. Il nous faut y être pour 17 heures. En passant dans une rue, nous croisons un robot avec lequel on peut jouer au morpion.
On hésite : jouer au morpion ou visiter la ville ?


Bon, comme on a perdu, on a décidé de se consoler avec un café glacé en souvenir du bon vieux temps passé à Friland. C’est aux alentours de 11 heures que nous prenons réellement la route en direction de Nyborg.


Après la pause déjeuner, ! On décide de prendre 10 minutes chacun pour dessiner quelque chose qui nous entoure dans nos carnets. On a tous les deux envie d’apprendre à dessiner, alors on s’est dit que faire un petit dessin chaque jour serait un bon début. Pour le moment, on a trop honte de vous montrer le résultat 😣

Je parle à Manon du tableau accroché sur le mur de l’appartement de Rune et Ilda. Elle m’explique que c’est une estampe japonaise de l’artiste Katsushika Hokusai intitulée “La Grande Vague de Kanagawa”. Certains voient dans cette vague une métaphore de la fragilité de la vie humaine et de la confrontation de l’homme avec les forces de la nature.

Elle m’impressionne. J’aimerais avoir sa culture. Sa culture et sa capacité à s’endormir profondément sur les canapés d’inconnus.
Alors que je sens la fatigue me rattraper, nous arrivons à la gare. Le trajet entre Nyborg et Korsør a duré 13 minutes et a coûté 22 €. On descend du train avec hâte, toujours un peu stressés qu’il parte avec nos vélos.


Comme on a trop bien mangé hier, on se dit que ce soir on se fait un McDo pour équilibrer un peu ! Ensuite, on partira à la recherche d’un shelter.

Aujourd’hui, nous avons pris la décision de décaler d’une semaine notre ferry entre la Suède et la Pologne. Ainsi, nous pourrons nous accorder des jours de repos quand nous en aurons besoin.

Et bien, je vous suis depuis le jour J,sauf au départ sur la plage. Beaucoup de rencontres, des évolutions et une certaine sagesse semble de plus en plus vous habiter. Je connais Manon dans son travail et je découvre Flavien que je ne voyais que dans la voiture en attendant Manon le soir. Heureux de faire ta connaissance à travers les reportages et les magnifiques photos.. Dans les écrits je vois davantage Manon s’exprimer. Mais je me trompe peut-être. C’est bien de réaliser ses rêves. Je suis un peu inquiet pour le futur, car vous allez frôler certaines frontières près de cette absurde guerre.
Bravo pour cette force et curiosité qui vous animent. Bonne route.