Sous le regard attentif de Ludka, nous prenons le petit déjeuner tous ensemble. À table, il y a Adam et Anna, leur fils Franek, Eva et sa fille Maria, Manon et moi, et à ma droite le papa d’Anna. Ça fait une grande tablée. Nous partageons tous les repas ensemble. Le papa d’Anna ne parle pas anglais. Parfois sa fille lui fait la traduction. On aimerait beaucoup discuter avec lui, il a l’air extrêmement gentil, en même temps les chats n’ont pas des chiens comme parents…

Après avoir fini de manger, nous partons, sans même avoir besoin qu’on nous le dise, en direction de notre tranchée. Nous connaissons notre mission : creuser ! Notre dos est encore un peu douloureux de la veille, mais nous sommes motivés de voir l’avancement. De plus, comme c’est samedi, Adam ne veut pas nous faire travailler plus de deux heures. Au début de leur adhésion à Workaway, Adam et Anna ne faisaient pas travailler les gens le weekend, mais beaucoup de volontaires ont abusé de leur hospitalité en arrivant le vendredi soir et en repartant le lundi matin qui suivait leur semaine de volontariat. En faisant ça, ils bénéficiaient de 5 nuits et 9 repas sans avoir à travailler en retour. L’échange était inégal et Adam et Anna ont trouvé ce système pour équilibrer les choses.

Même si je ne pense pas que ce soit la solution idéale, Manon et moi nous adaptons à nos hôtes. Après ces deux heures d’excavation intensives, nos corps nous prient de reprendre le vélo et d’abandonner la pioche.

Pour le repas, c’est le papa d’Anna qui s’est mis aux fourneaux. Il nous a cuisiné des côtes de porc mijotées dans un potage. C’était délicieux, cet homme est un chef ! Même sans avoir pu échanger avec lui, nous pensons qu’il nous apprécie. Il s’est soudainement mis à chanter la Marseillaise en fin de repas. Nous l’avons accompagné avec entrain. Franek, son petit fils, rigolait gentiment de son grand-père qui a apparemment tendance à commencer la Marseillaise et à revenir à l’hymne polonais lorsqu’il ne se souvient plus l’air de l’hymne français.

Puisque nos cordes vocales s’étaient échauffées, nous avons continué sur notre lancée en chantant « Happy Birthday » à Eva. Anna avait pris le temps de cuisiner un gâteau pour elle, elle semblait émue.

Eva et Anna habitent à Riga, la capitale de la Lettonie. Elles ont décidé de partir dans un voyage mère-fille au cours duquel elles voulaient profiter de faire du volontariat Workaway afin d’améliorer leur anglais. Eva a plus de 50 ans. En plus du letton, elle parle quelques mots de russe, mais très peu d’anglais. Parfois, après une journée de travail, nous pouvons l’entendre depuis notre chambre suivre des cours d’anglais en ligne. Nous saluons son courage. Sa fille, qui du haut de ses 18 ans, parle un très bon anglais, l’aide parfois à comprendre nos conversations. Malgré ses difficultés à participer aux discussions, Eva garde toujours le sourire et donne son maximum pour apprendre.

Peu de temps après qu’elles soient arrivées en Pologne, leur voiture est tombée en panne. Elles sont donc restées chez Adam et Anna le temps qu’un garagiste les dépanne. Ce petit malheur a fait notre bonheur. Nous sommes heureux d’avoir ainsi pu faire leur rencontre. Demain déjà, nous devrons nous dire au revoir. Peut-être qu’un jour nous nous reverrons à Riga.

Je suis parti me coucher après le déjeuner, aux alentours de 17h30. Manon, elle, a trouvé la force d’aller faire une marche au parc ainsi que quelques courses. Pour le dîner, nous avons rejoint tout le monde autour d’un feu de camp au-dessus duquel grillaient des saucisses et des tranches de pain.

Il faisait nuit noire, les chiens couraient et aboyaient dans l’espoir d’obtenir un bout de viande. Un enfant jouait à faire des cercles dans le vide avec une branche incandescente. Au-dessus de nous, le ciel était rempli d’étoiles. Je n’avais plus envie de parler à personne, je voulais juste rester là à observer, à sentir l’odeur des grillades se mêler à l’odeur de l’humidité dans le jardin, à écouter les mots se mélanger entre français, polonais, letton, russe et anglais. Comme un repas trop riche qu’on a du mal à digérer, mais dont on ne veut pas perdre une seule miette.