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Rien de bien passionnant sur notre route aujourd’hui, on avait 79km jusqu’à notre Workaway alors on a décidé de tracer pour être tranquille ! Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas roulé autant, mais il n’y avait pas beaucoup de dénivelé alors ça s’est fait assez facilement avec 36 podcasts et 23 playlists différentes..! Nous sommes arrivés chez Adam et Anna à Opinogóra Górna. Ils sont peintre et sculptrice, et  ont une ferme avec des chèvres, des abeilles, un grand jardin. Ils brassent leur propre bière, font leur propre vin et leur propre vodka, alors on va essayer d’apprendre de nouvelles compétences ! Ils travaillent de 9h à 16h et prennent leur repas du midi à 16h donc il va falloir aussi qu’on s’adapte à ça ! On se retrouve dans une semaine !

Ce matin, après avoir plié la tente, j’ai vu Manon partir comme une fusée. Je m’accrochais tant bien que mal, mais j’avais du mal à suivre son rythme. Depuis que son matelas a l’air d’avoir 8 mois de grossesse, elle ne passe pas de très bonnes nuits. Savoir que ce soir, nous avions la possibilité de dormir dans un vrai lit si on rejoignait notre Workaway lui a donné des ailes.

Nous n’avions plus d’eau dans nos gourdes et nous nous sommes arrêtés dans plusieurs commerces pour demander qu’on nous les remplisse avec de l’eau du robinet. Vu qu’ils ne parlent pas anglais, on fait des mimiques en pointant nos gourdes du doigt. Je fais super bien le robinet, je trouve, mais ce matin ça n’a pas suffi. Les deux premiers commerces n’avaient pas l’air de nous comprendre. Il va peut-être falloir commencer à utiliser un super livre que Manon avait acheté et qui s’appelle « g’palémo ». À l’intérieur, il y a des petits pictogrammes représentant des éléments de la vie courante. Parfois, une image vaut plus que des mots.

Après sa performance exceptionnelle de ce matin, Manon n’était pas très en forme après le déjeuner. J’ai eu beau insister pour qu’on ne perde pas trop de temps parce qu’il nous restait encore beaucoup de route à faire, elle s’est installée en dépliant notre tapis de sol dans l’herbe et elle s’est posée pour faire une sieste d’une vingtaine de minutes. À son réveil, le ciel s’était couvert. On commençait à recevoir quelques gouttes.

La route cet après-midi n’était pas particulièrement mémorable. Le vélo pour Manon et moi, c’est surtout un outil, plutôt un moyen de nous rendre d’un point A à un point B. Certains cyclovoyageurs, la plupart d’entre eux en fait, aiment faire du vélo. Ça paraît logique. Pour nous, il est assez rare qu’après 40 km, on prenne encore du plaisir à pédaler, sauf si la route est vraiment jolie ou atypique. Donc pardon si je dis souvent que la route n’est pas exceptionnelle, mais c’est parce que le simple fait de faire du vélo ne nous procure pas tant de bonheur que ça. Pour nous, ce sont plutôt les rencontres, les expériences, les repas… Est-ce que c’est bizarre de partir pour un voyage de 3 ans à vélo quand on n’est pas particulièrement fan de bicyclette?

Nous sommes arrivés chez Adam et Anna aux alentours de 16h. C’est chez eux que nous allons passer les sept prochains jours. Ils habitent sur un grand terrain où il semble y avoir trois maisons. Il y avait déjà beaucoup de monde lorsque nous sommes arrivés : le père d’Anna qui les aide à rénover l’une des maisons, la sœur d’Adam avec ses trois enfants, le fils d’Adam et Anna qui parle mieux anglais que nous, mais il y avait aussi une maman et sa fille qui étaient, elles aussi, venues travailler bénévolement pour nos hôtes. Je ne me souviens plus de leurs prénoms, mais nous aurons bien l’occasion de leur redemander.

Nous avons à peine le temps de monter tous nos bagages dans notre chambre qu’Anna nous invite à les rejoindre à table. Il est 16h15 ! On est un peu perdus, est-ce le déjeuner ou le dîner ?! Adam nous explique que c’est comme ça en Pologne. Ils travaillent de 8h à 15h et prennent ensuite leur déjeuner. Ce soir, on mange du bortsch. Le bortsch est une soupe à base de betterave et de haricots rouges venant des pays de l’est. Le potage est d’un rose éclatant et en plus d’être beau, c’est bon. Les sujets s’enchaînent pendant le repas. Ils nous parlent des Ukrainiens qui arrivent toujours plus nombreux en Pologne depuis l’invasion de leur pays en février 2022. Ce n’est apparemment pas toujours facile de vivre avec ces importants flux de migrants. Beaucoup ne parlent pas la langue et même si beaucoup d’entre eux font en sorte de trouver du travail, il y a parmi les derniers arrivants des personnes qui préfèrent ne pas travailler et qui commettent des vols. Adam nous explique que ces derniers mois, les violences et les délits ont augmenté en Pologne.

Pour fêter notre arrivée, il sort du placard une bouteille contenant un alcool à la couleur rose bonbon, un peu comme le bortsch dans nos assiettes. Lorsqu’on lui demande ce que c’est, il ne sait pas vraiment nous répondre. De la vodka mélangée à… quelque chose ! Après nos 79 km d’aujourd’hui, je préfère me limiter à un verre avant de me mettre à danser la krakowiak sur la table du salon. Adam lui se ressert machinalement un deuxième verre tout en nous expliquant qu’il n’est peut-être pas prudent de longer la frontière entre la Pologne et la Biélorussie en ce moment. Apparemment, l’armée y est omniprésente et contrôle à tour de bras. Il me dit en rigolant qu’avec ma tête d’arabe, je ne passerai sûrement pas au travers ! À peine a-t-il lâché ces mots qu’il se mord les lèvres de peur de m’avoir vexé. Avec Manon, on rit de bon cœur. Adam semble être un personnage et on a hâte d’en savoir un peu plus sur lui et sa femme. Nous leur demanderons plus de conseils concernant notre itinéraire. D’après eux, suivre la Green Vélo n’est pas une bonne idée, et si nous n’avons pas entendu parler des tensions à la frontière polonaise, c’est simplement parce que des élections se préparent dans le pays et qu’il ne faudrait pas que ce genre d’affaire entache une campagne politique.

Après ce premier repas déjà riche en émotions, nous décidons de nous retirer dans notre chambre. Nous saluons tout le monde en leur donnant rendez-vous le lendemain pour le petit-déjeuner, ce à quoi ils nous répondent qu’avant ça, ils nous attendent pour le dîner à 21h. On est vraiment perdus avec ces repas tout décalés ! Il va nous falloir un peu de temps pour nous habituer.