Ce matin, nous nous sommes réveillés pas trop tard, il devait être 7h30. Pour notre premier jour en Suède, il pleuvait. Le temps que l’on prépare notre petit déjeuner, la pluie s’était calmée. Alors, on a tout rangé pour partir.
Il y a deux jours , je me suis arrêté dans un magasin pour acheter un rasoir coupe-chou. J’ai pensé que ce serait plus pratique pour garder mon crâne lisse et brillant. Ce matin, après avoir tout plié, j’ai voulu le tester. Ça a été une vraie catastrophe, des coupures dans tous les sens et on a dû perdre plus d’une heure à attendre que je finisse. Résultat, on a décollé vers 10h30.

On avait tout bien préparé, notre itinéraire jusqu’à la ville de Karlskrona (ville d’où nous quitterons la Suède) fait exactement 311 km, donc en pédalant environ 50 kilomètres par jour, on devrait y arriver en une semaine. Aujourd’hui, on est parti pour nos premiers 50 km ! Mais ça ne s’est pas vraiment passé comme prévu…
On a fait un premier arrêt dans un supermarché où on était contents de découvrir de nouveaux produits en rayon. Quand on change de pays, c’est toujours amusant de voir les différences dans les rayons des supermarchés. C’est un peu comme les McDonald’s, ça en dit long sur la culture…
Nous avons roulé un ou deux kilomètres de plus pour nous arrêter dans des toilettes publiques afin de remplir nos gourdes. Il était déjà 11h40, alors on a pensé qu’on pourrait cuisiner ici en profitant d’avoir de l’eau à volonté. Il pleuvait légèrement et le vent soufflait de manière soutenue. J’ai regardé autour de moi pour trouver un abri le temps de manger et j’ai vu un shelter à quelques pas seulement des sanitaires.
Les conditions étaient trop parfaites : de l’eau, un abri et la vue sur l’océan ! Nous avons décidé de ne pas reprendre la route, notre itinéraire nous offre la possibilité de prendre le temps.


On a monté la tente à l’intérieur du shelter, on commence à avoir l’habitude !
Manon chante en boucle :
You are the dancing queen
Young and sweet
Only seventeen
Dancing queen
Feel the beat from the tambourine, oh yeah
You can dance
You can jive
Having the time of your life
Ooh, see that girl
Watch that scene
Digging the dancing queen
En Islande, j’avais le droit à du « Kaleo », ici ce sera du « ABBA ». J’ai hâte de voir ce qu’elle va trouver en Turquie !
L’après-midi, on se repose et on continue notre formation pour apprendre à dessiner. Vers 20h, deux voyageurs viennent s’abriter de la pluie sous le shelter. On commence à discuter avec eux, ils ont l’air impressionnés par notre itinéraire.
C’est marrant, on commence toujours par dire que l’on vient du sud de la France et déjà là, on a le droit à un premier « Woaw ». Et puis ensuite, on ajoute tous les pays qu’on a traversés pour arriver jusqu’ici, et là les gens sont de plus en plus étonnés, jusqu’à ce qu’on prononce le mot « Islande », et en général, à ce moment-là, on se fait « traiter » de fous.
Ils viennent tous les deux d’Allemagne, ils sont professeurs de musique, de batterie plus exactement.
Ça ne fait pas une demi-heure que l’on discute que l’un d’eux se met à se livrer sur ses peines de cœur. Il nous raconte qu’il s’est séparé de sa femme récemment et qu’il aimerait se construire une nouvelle vie. Il n’aime pas la ville où il habite en Allemagne, alors il envisage peut-être de venir vivre en Suède où lui et son ex-femme sont venus de nombreuses fois avant de se déchirer.
Je ne sais pas si c’est le mauvais whisky dans son verre ou bien le contexte du voyage qui le pousse à parler avec tant de franchise.
Nous nous retrouvons à parler de vie et d’amour à de parfaits inconnus. Des sujets que je n’ai même jamais partagés avec certains de mes proches.
Je me souviens avoir fait ça une fois, en Islande d’ailleurs. On a rencontré cette femme dans un camping, elle était jolie, un peu âgée, le visage marqué par les nombreux voyages qu’elle avait vécus et qu’elle nous avait brièvement racontés. Et je me souviens que sans même y réfléchir, je me suis mis à lui parler comme si je l’avais toujours connue. Je lui ai raconté des difficultés très personnelles liées à notre voyage parce que j’avais le sentiment qu’elle pouvait me comprendre. Pourtant, dans mon verre ce matin-là, il n’y avait que du café. Pas de mauvais whisky pour me délier la langue.
Elle m’a écouté, elle m’a fait part de son expérience et quand l’heure est venue, elle a repris sa route avec un morceau de mon histoire, comme nous reprendrons notre route en sachant que quelque part en Suède, un homme que nous avons juste croisé cherche à refaire sa vie.
La conversation finit par s’éteindre et nous rentrons Manon et moi dans notre tente pour regarder un film. Ce soir, c’est Manon qui choisit, ce sera « Love Actually » ! Décidément…
On aurait peut-être dû proposer à nos deux nouveaux amis de se joindre à nous, et de partager un pot d’Häagen-Dazs pour soigner leur chagrin…

C’est aussi cela le voyage. Des bouts de vie qui se croisent.